A la fin de ce premier bloc de matches, Killian Tixeront a déjà dépassé son temps de jeu de la saison dernière. Le signe que ce troisième ligne prometteur s’installe, petit à petit, dans un club qu’il suit depuis sa plus tendre enfance. Auvergnat de naissance, c’est à Chadrat, un ancien hameau vigneron accroché au plateau de la Serre entre le Crest et Saint Saturnin, dans le Sud de Clermont, qu’il a grandi et où il aime, aujourd’hui encore, se ressourcer dans le cocon familial. Portrait …

 

Une ou deux centaines d’habitants, guère plus, habitent aujourd’hui le petit village de Chadrat posé dans une côte que les cyclotouristes du coin connaissent bien pour les pourcentages rudes qui traversent le village aux sept fontaines. Parmi eux, la famille Tixeront. C’est là, au pied de la montagne de la Serre, un haut lieu d’observation des oiseaux migrateurs située à mille mètres d’altitude, que Killian a grandi. Dans cet ancien hameau vigneron aux façades rénovées à la pierre ocrée et aux tuiles corail, tout lui est familier comme ce chemin en direction de la croix de la Boria où il nous emmène. « De là, tu as une vue sur toute la vallée et même sur le Sancy à l’horizon. J’adore ce village, il fait partie de moi. » La table d’orientation porte notre regard en direction de Saint Saturnin, en contrebas, … un peu plus haut : St Sandoux. Le village de la montagne d’en face qui n’est qu’à un battement d’aile que semble rejoindre un rapace qui nous survole dans le ciel automnal. C’est là que Killian a fait connaissance avec la balle ovale grâce à sa grand-mère Jocelyne. « C’est une vraie fan de l’ASM et de Rugby en général. Elle regarde tous les matches. C’est en voyant les émotions qu’elle pouvait vivre à travers la TV que j’ai eu envie de voir, en vrai, ce que cela pouvait donner sur le terrain. » Direction les Martres de Veyre, quelques kilomètres plus bas dans la vallée. Dès les moins de 9 ans, il accroche pour le jeu mais aussi et surtout « pour les potes, les déplacements, les rigolades… le plaisir quoi ! »

 

Désolé nous ne trouvons pas l'image

 Nous sommes dans les années 2010, celles du premier titre et d’un engouement pour le club qui rayonne sur tout le territoire. Killian est encore bien loin de s’imaginer avec le maillot Jaune et Bleu sur les épaules alors que le collégien évolue à l’aile ou au centre avec les Martres de Veyre où intervient parfois Morgan Parra pour donner un coup de main aux coachs de l’équipe sénior. « On le croisait parfois après notre entrainement du mercredi après-midi… on était comme des fous… je dois encore avoir des photos » rigole-t-il. L’ASM se rapproche petit à petit lorsqu’il rejoint la sélection du Puy de Dôme, puis celle d’Auvergne et enfin le Comité 63 (le regroupement des clubs du département : ASM, Issoire, Riom, Cournon, les Martres…) Il est encore centre, et ne s’entraîne à l’ASM que le lundi jusqu’à ce qu’un mercredi après-midi aux Martres, Freddy Maso ne vienne le voir pour lui proposer d’intégrer le pré-centre de formation de l’ASM. « Une énorme surprise car pour moi ! Jusque-là, le Rugby n’était qu’un petit truc du mercredi et vendredi après-midi. Honnêtement, je ne marchais sur personne, j’avais peut être un gabarit un peu avancé mais je ne traversais pas le terrain toutes les semaines, loin de là… » L’œil de maquignon des détecteurs clermontois a raison de l’humilité de l’enfant de Chadrat. « Toute ma vie a changé à ce moment-là. J’ai quitté mon collège, mon club, j’ai rejoint la section ASM et du m’adapter à un environnement complètement différent. » Bien accompagné par une famille protectrice, il ne « tire pas de grands plans sur la comète » mais savoure « la fierté de porter ses premiers maillots Jaune et Bleu, pour un Auvergnat qui a grandi à quelques kilomètres du stade cela compte ! » La pelouse du Michelin se rapproche, d’abord en tant que ramasseur de balle. « C’est un super souvenir ! J’étais Crabos et je me souviens avoir été impressionné de voir les joueurs de si près. Il y avait Ma’a Nonu… monstrueux ! » Puis, après être passé par toutes les sélections nationales ce sont les premiers aller-retours avec les Pros pour ce jeune joueur prometteur « Toute mon enfance a été bercée par des joueurs comme Elvis Vermeulen, Julien Bonnaire, Julien Bardy, Alex Lapandry ou Fritz Lee, alors, quand j’ai commencé à retrouver certains d’entre-eux à l’entrainement, vraiment c’était un truc de fou ! »

 

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La trajectoire se dessine, après avoir ramassé quelques ballons, c’est à son tour de les utiliser sur la pelouse du Michelin où il débute face à Perpignan à tout juste 20 ans. « Je crois que c’est vraiment à ce moment-là que nous avons tous eu un électrochoc en prenant conscience des années de travail qui se concrétisaient. Toute ma famille était en tribune, mon père, ma mère, mon oncle, mes sœurs dont Tiphaine qui joue ailière à Romagnat…toute la famille !  Derrière la fierté, je pense qu’ils ont vraiment pu matérialiser le fait que quelque chose commençait… » Ce quelque chose qui se poursuit aujourd’hui puisque Killian n’a plus quitté le groupe et a prolongé son contrat avec son club formateur de deux saisons. Une belle plage de progression que l’ancien capitaine des moins de 20 ans tricolores aborde avec envie et « devoir ». « Je crois que comme Lucas, Gabin, ou Thomas nous avons une façon de voir le club que nous sommes les seuls à pouvoir comprendre. Cela va au-delà de la fierté quand nous portons ce maillot car nous savons depuis toujours ce que représente l’ASM et la dimension que le club peut avoir dans toute l’Auvergne. Nous avons le devoir, en tant qu’Auvergnats, d’apporter notre pierre à l’édifice et de tout donner pour faire honneur à nos couleurs. » Son attachement au territoire participe à l’équilibre qui permet à ce joueur prometteur de grandir. « C’est une sacrée chance d’avoir sa famille à côté, de pouvoir compter sur eux, de savoir le soutien que peuvent me transmettre les gens du coin ou encore de pouvoir retrouver des endroits familiers » Entre deux semaines d’entrainement, c’est en quad ou à pied qu’il se balade sur les chemins de son enfance. « La tranquillité de Chadrat, son air pur et son calme, c’est un équilibre dont j’ai besoin. » Ici, il connait tout le monde, ses copains, les anciens. Pour eux, et même si le rugby s’immisce forcément dans les conversations, il est resté le gamin qui faisait des conneries avec ses potes « On s’est bien marré il y a quelques années en faisant des « sonnettes party » ou en faisant exploser des pétards dans le village avant de se faire engueuler par les anciens ! »

Aujourd’hui, Killian ne se barre pas en courant lorsqu’une porte s’ouvre, il prend le temps d’échanger, de partager et de transmettre la passion qui est en train de bâtir ce troisième ligne en devenir. Dans quelques semaines, peut être aura-t-il quelques nouvelles anecdotes à partager avec sa famille et les fidèles de son village après la semaine « Barbarians » qu’il s’apprête à découvrir dans le Nord de la France (où il affrontera les Fidji, samedi 19 à Lille). Une sélection mythique et historique où les troisièmes mi-temps sont presque aussi redoutables que celles des « Grognards » des Martres-de-Veyre où son père, Éric, qui a fêté ses 47 ans joue toujours « pour les entrainements et les après du jeudi soir… » plaisante son fils. Il rigolera probablement moins lorsqu’il se jettera dans les jambes des gros porteurs de balle des hommes de Vern Cotter rarement dans la mesure lors des test-matches. Une étape de plus dans l’antichambre des Bleus (que sont aujourd’hui les Barbarians) pour Killian qui sait comme les oiseaux de migration qui survolent son village natal depuis toujours que c’est en faisant confiance à ce qu’il y a devant que l’on profite du meilleur des avenirs.