Après une carrière couronnée de nombreuses sélections avec le XV du trèfle ainsi qu’une tournée avec les Lions Britanniques, Jared Payne s’est reconverti en coach de la défense après avoir été le régulateur des Ulstermen durant de nombreuses saisons. Passionné, porté par une énergie débordante, ce spécialiste reconnu qui a densifié et verrouillé la défense nord-irlandaise pour en faire l’une des plus coriaces d’Europe, arrive en Auvergne avec de sérieuses convictions ainsi qu’une énorme envie de transmettre et fédérer. Interview…
Quelles sont tes premières impressions après 5 semaines en Auvergne ?
C’est un super endroit pour travailler, les infrastructures sont idéales pour le haut-niveau, les joueurs mettent beaucoup d’énergie, il y a un bon staff : tout pour faire du bon boulot. Le temps est aussi très agréable…
Comment s’est passée ton intégration ?
Très bien, depuis que nous avons pris la décision de rejoindre le club, beaucoup de choses ont été mises en place pour m’aider et faciliter la transition d’un club à l’autre. Cela a forcément accéléré mon intégration, ici à Clermont. J’ai été très bien accueilli par le staff où tout le monde parle anglais ce qui m’aide énormément le temps que je familiarise avec le Français. Je connaissais Jono qui m’a entraîné à l’Ulster mais aussi Benson avec qui j’ai évolué aux Blues d’Auckland et même Johnny Claxton avec qui j’ai travaillé en Nouvelle-Zélande. Tout cela m’a bien aidé lors de mon arrivée à Clermont que tous m’avaient recommandé.
A quel moment et pourquoi as–tu choisis de poursuivre ta carrière en tant que coach de la défense ?
J’ai mis fin à ma carrière avec l’Ulster et l’Irlande après une commotion (NDLR : subie avec les Lions Britanniques face aux Chiefs en juin 2017 lors de leur tournée en Nouvelle-Zélande). Je pensais pouvoir revenir au cours de l’année mais je n’ai jamais pu : certains symptômes de la commotion étaient encore là. A la fin de la saison, Jono m’a offert l’opportunité de prendre la responsabilité de la défense dans le staff. Nous en avons discuté un vendredi et le lundi à 7 heures du matin, j’avais récupéré mon ordinateur et pris mes fonctions. Je n’étais pas forcément prêt mais cela m’a fait beaucoup de bien de démarrer cette nouvelle aventure. Le staff m’a accompagné dans cette nouvelle carrière avec toute l’envie que je pouvais apporter. Les choses ont très vite été claires, les responsabilités et les missions attribuées… et finalement cela s’est très bien passé. J’étais un joueur expérimenté, je connaissais parfaitement le club et le fonctionnement de la province de l’Ulster, la transition n’a pas été si compliquée entre joueur et coach même dans les relations humaines.
Était-ce un secteur dans lequel tu avais déjà beaucoup de responsabilités en tant que joueur avec l’Ulster ou l’équipe d’Irlande ?
Oui, je crois. J’ai toujours été un joueur intéressé par le jeu et sa compréhension. Tu as toujours des responsabilités et des décisions à prendre lorsque tu évolues au centre, particulièrement en position de deuxième centre où tu dois organiser la défense sur les extérieurs. C’est aussi le cas quand tu évolues à l’arrière et tu dois réorganiser la distribution de la ligne défensive.

Pour toi, quelles sont les clés d’une bonne défense ?
L’énergie, le plaisir et l’enthousiasme dans tout ce que tu dois entreprendre. Le groupe doit également marcher dans le même sens, croire en la même chose, être sur la même page. Tout le monde doit adhérer et être porté par la même philosophie, la même façon de penser défensivement. Cela doit se construire collectivement mais quand tu ajoutes à cela l’énergie, le plaisir et la détermination dans chaque duel et chaque situation… alors tu obtiens quelque chose de solide.
Dans l’idéal, comment décrirais-tu la défense Jared Payne ?
Ah…la « Jared Payne Defense » (rires)… J’aimerais penser que les mecs sont impatients et contents de défendre, qu’ils travaillent dur, les uns pour les autres et qu’ils attaquent chacune des situations qui se présentent avec l’envie de dominer l’adversaire. Il peut y avoir des erreurs mais le système doit pouvoir corriger celles-ci par la solidarité et le travail du groupe. On va essayer d’aller dans ce sens et voir ce que cela peut donner…
Clermont a terminé la dernière saison avec plus de 22 points encaissés /match quels sont les axes de progression de l’équipe dans ce secteur ?
Je pense que l’équipe a déjà entamé cette progression lors de la saison dernière où Benson a fait du bon boulot. Il a fait progresser les joueurs de façon individuelle, désormais il faut cadrer encore davantage le rôle de chacun et trouver de la régularité dans la performance. Les joueurs savent qu’ils en ont manqué la saison dernière avec parfois de bonnes séquences défensives et parfois de trop grosses fragilités. Nous allons essayer de travailler encore davantage quand nous n’avons pas le ballon pour mieux circuler et trouver de meilleures positions pour compliquer le travail des attaquants adverses tout en sécurisant davantage les situations où une erreur peut mettre l’équipe en danger.
Est-ce le système qui va évoluer, la technique ou les deux …
C’est toujours une combinaison. Comme je le disais, à mon sens la défense est une façon d’être entre plaisir, envie et enthousiasme, mais il faut évidemment que l’on associe à cela les bons gestes, la bonne analyse de la situation et l’absolue certitude de travailler collectivement, les uns pour les autres. Et dans ce dernier point, ce sont les systèmes qui permettent le bon fonctionnement général et la performance du « produit fini ». C’est aussi la volonté collective de l’équipe qui donne le ton de la défense. Il faut garder, tout au long de la saison, tous les indicateurs : l’envie, la technique et aussi le respect des systèmes, à un haut niveau d’exigence pour atteindre la performance.
On te voit avec beaucoup d’énergie sur le terrain…
(il coupe) Ah oui !!! (Rires)
Est-ce un moyen de compenser la communication avant que le Français s’implante ?
Non, je ne pense pas c’est que ce soit cela. Je suis heureux d’être sur le terrain de transmettre ma façon de voir les choses et je mets beaucoup d’enthousiasme à le faire. Nous sommes vraiment chanceux de faire ce métier et de pratiquer le sport que nous aimons. J’aime l’énergie qui se dégage du terrain, je fais simplement mon métier avec passion.
Pour revenir à la communication, la barrière de la langue est-elle problématique…
Parfois mais très franchement, je ne pense pas tant que cela. Nous arrivons toujours à nous comprendre. Le rugby est un sport finalement assez simple et l’énergie demande finalement assez peu de mots … de plus le « body language » est universel !
« Quand tu es coach, le plus important est de voir une progression, même s’il peut y avoir un peu d’inertie au départ, le plus important est de voir les choses avancer ».
Pour finir, quels sont ton objectif sur ces matches de préparation et le début de saison ?
Les joueurs travaillent bien et s’approprient chaque jour les principes de notre défense. J’aime voir cette progression et la mise en œuvre de ces systèmes tous les jours à l’entraînement. Il y a, je me répète, beaucoup d’envie et d’enthousiasme dans ce groupe. Bien sûr, il y aura des erreurs de commises lors des deux matches de pré-saison mais cela nous permettra de corriger le tir et de renforcer encore nos convictions collectives et notre compréhension. Ce que je veux, c’est voir les bonnes attitudes et avoir la certitude que nous marchons tous dans la même direction.
Quand tu es coach, le plus important est de voir une progression, même s’il peut y avoir un peu d’inertie au départ, le plus important est de voir les choses avancer. Nous savons d’où nous partons, nous devons désormais donner le meilleur de nous-même pour se mettre en situation de remporter le plus de matches possibles.