Arrivé cette saison pour renforcer le staff de Jono Gibbes dans le secteur de la touche, l’originaire de Sainte-Foy-la-Grande est issu d’une famille où le rugby se transmet. La tête bien posé sur des épaules qui ont durant une quinzaine de saisons ferraillées en Top 14, il regarde désormais en l’air… vers les alignements adverses qu’il décrypte avec précision et vers ses joueurs avec qui il développe une relation particulière, bien loin des méthodes managériales dictatrices aujourd’hui révolues. Portrait   

L’accent rappelle ses origines pour celui qui a grandi aux portes du Périgord, à Sainte-Foy-la-Grande, à quelques kilomètres de Bergerac dans une commune où a aussi grandi Rémi Lamerat « bien plus tard » rigole l’ancien seconde ligne, « Rémi ne devait pas être né quand j’ai commencé le Rugby à 4 ans. Dans ma famille, tout le monde jouait, mon père, mon oncle, mon grand-père ont joué au Stade Foyen. Mon oncle a même voyagé un peu et joué pour le Stade Clermontois … comme le frère de ma grand-mère qui en a été l’entraineur, il y a longtemps ! » Bien avant que le petit rejeton devienne grand, la famille avait ainsi découvert l’Auvergne. Il faudra une bonne trentaine d’années et 6 clubs (Toulouse, Brive, Bordeaux, Brive à nouveau, Montpellier et Provence Rugby) pour que Julien n’y pose ses valises. Très vite dans sa carrière, il s’impose comme un leader de touche et se passionne pour ce domaine, la vocation se dessine. « Dès mon passage à Brive (en 2010), je me suis vraiment intéressé de près au travail stratégique autour de l’alignement et j’avais déjà à ce moment-là dans un coin de la tête l’idée de devenir entraineur. » Sa carrière s’est pourtant étendue sur 16 ans (de 2005 et son premier match de championnat avec le Stade Toulousain, jusqu’en 2021 avec Provence Rugby) avant de passer de l’autre côté de la barrière. « J’avais signé un contrat mixte avec une dernière saison joueur et une première entraineur. Je devais commencer avec les Espoirs, les choses ont fait que j’ai rapidement pris le groupe professionnel. » (NDLR : en raison de changements en cours de saison dans le staff sportif de Provence Rugby). Dès sa prise de fonction, il comprend que le métier d’entraineur n’est pas la simple récitation d’un logiciel aussi performant soit-il permettant d’analyser et décider les lancements à effectuer lors de la prochaine rencontre. « Je pensais être accros à la stratégie, aux méthodes, à la technique : cela fait partie de mon travail, mais ce qui me plait le plus est l’aspect humain. Essayer de comprendre, de saisir si ce que nous faisons ensemble est bien compris par tous. Trouver les bons angles pour une meilleure compréhension et une philosophie collective, c’est vraiment ce qu’il y a de plus passionnant ».

 

Si j’impose d’autorité un lancement, je sais très bien que, soit, ils ne le feront pas, soit, ils le feront mal ! Le management aujourd’hui doit être participatif. Il faut convaincre et orienter dans la bonne direction. 

Julien Le Devedec
Désolé nous ne trouvons pas l'image

Sa façon de faire est bien loin des méthodes ancestrales qui régnaient en dictat, il y a encore quelques année ici et ailleurs. « Je travaille en amont pour présenter aux leaders ma vision de nos adversaires ou de nos lancements. Je présente et j’explique pourquoi. Ensuite on discute, on valide ensemble, on peut modifier, argumenter, s’adapter… ils ont aussi le droit de ne pas être d’accord et moi de me tromper ! » Le but de Julien n’est pas d’imposer mais d’amener les joueurs à avoir la même vision dans ce domaine. Un rôle pédagogique bien plus que directif. « Si j’impose d’autorité un lancement, je sais très bien que, soit, ils ne le feront pas, soit, ils le feront mal ! Le management aujourd’hui doit être participatif. Il faut convaincre et orienter dans la bonne direction. » Même s’il reste un véritable passionné de ce secteur, capable de détecter les combinaisons adverses en un clin d’œil, les détails de positionnement, de lift ou de saut, il n’est pas un accro aux statistiques brutes. « La touche c’est surtout ce que tu en fais. C’est facile d’être la touche la plus sûre du championnat si tu lances tous tes ballons sur le premier sauteur en avançant… maintenant ce n’est pas le meilleur moyen de créer de la diversité et du danger sur l’équipe adverse notamment quand tu as l’ambition de mettre du mouvement dans ta ligne de trois-quarts. » Pas vraiment du genre à écrire son plan de touche en début de saison et de piocher dedans au fil des matches, il sait que son travail doit être en perpétuel évolution. « Aujourd’hui, en un clic je peux avoir toutes les touches de nos prochains adversaires sous quatre angles différents, comme eux peuvent avoir les nôtres. Tous les clubs ont le même outil. Si tu te dis que ça suffit, tu te plantes. On doit être capables de s’adapter en permanence en inventant de nouveaux mouvements, en modifiant nos « setup » (positionnement des joueurs au départ) ou en revenant à des touches plus anciennes ».  Et c’est bien cela qui passionne le coach clermontois « On se doit de toujours imaginer des choses : Que vont faire nos adversaires ? Comment vont-ils défendre sur nos lancements ? Dans quelles zones auront nous le plus d’opportunités ? » Toutes ces questions auxquelles les réponses orientent vers la santé de la conquête auvergnate dont Julien se plait à soigner chaque détail… et pas toujours ceux que l’on voit. «  Bien sûr, j’ai dans le groupe de formidables joueurs dans ce domaine comme Arthur qui est mon capitaine de touche et qui intervient beaucoup au niveau de la stratégie comme je le disais plus tôt, mais je porte aussi beaucoup d’attention sur tout ce qui compose la touche. Le soutien, les lifts, le déplacement des blocs. J’ai en mémoire face à la Rochelle une touche qu’Arthur capte en fin de match… c’est aussi grâce à un super travail de Paul, pareil un peu plus tôt sur un ballon pris par Thibaud… sans la connexion avec Judicaël, il tombait dans les mains rochelaises ». Bref, tout un tas de détails que le grand public ne saisit pas et que valorise tout autant l’entraineur clermontois. 
« Dans ma vision, la touche est un parfait révélateur de la cohésion d’une équipe. Mon rôle est de créer un environnement où tout le monde se comprend, travaille les uns pour les autres avec un même référentiel commun. » Le moins que l’on puisse dire c’est que pour le moment la méthode fonctionne. Le contre clermontois est le plus pénible du Top 14 pendant que la touche de l’ASM est à l’origine de 11 des 19 essais auvergnats cette saison (personne ne fait mieux). Julien Le Devedec se révèle bien comme le véritable touche Atout des Jaune et Bleu !