Arrivé cette saison de Bordeaux, Mourad Abed est le nouvel homme fort de la préparation physique des Jaune et Bleu. Un fidèle de la garde rapprochée de Christophe Urios qu’il a connu à Bourgoin, il y a près de 20 ans. L’ancien judoka (ceinture noire, troisième dan) articule son travail autour de la communication avec ses joueurs, la confiance et le respect. Ce personnage qui respire le Rugby régule avec minutie et intransigeance les charges de travail à travers une méthode individualisée… avec un seul but en tête : la performance.  


Mourad connait tous les bords de terrain du Top 14 depuis bien longtemps. Cela fait une bonne vingtaine d’années que cet ancien judoka a débuté sa carrière de préparateur physique par un stage au CSBJ (Bourgoin Jallieu). « C’était au tout début de la préparation physique, le temps révolu où les joueurs pouvaient prendre 10-15 kg à l’intersaison (rires). Après une année de stage, le CSBJ avait besoin d’un préparateur physique pour obtenir la certification du centre d’entrainement. C’est un domaine qui m’a toujours passionné : l’accompagnement d’un sportif vers ses meilleures performances. C’est comme cela que tout a débuté. » C’est aussi comme cela que Mourad a rencontré Christophe Urios (entraineur de Bourgoin de 2005 à 2007). Le feeling entre les deux hommes a été naturel : « J’aime que les choses soient carrées, claires. Christophe sait donner les directions, définir où nous allons et imposer une méthodologie qui ne laisse pas de place à l’à peu près. C’est comme cela que j’aime travailler avec honnêteté et franchise. Dans son management, à partir du moment où il te fait confiance, tu peux t’exprimer dans ton domaine de compétences avec beaucoup de liberté. » Dans un staff qu’il connait parfaitement (avec lequel il a travaillé à Castres et Bordeaux) et avec qui il partage les mêmes valeurs, Mourad n’a pas tardé à mettre sa patte dans la structuration du travail physique des Jaune et Bleu avec une conviction profonde : « La musculation doit rester au service du Rugby ! Ça ne m’intéresse pas de voir un mec qui pousse des barres de dingue en semaine et se pète à l’entrainement. »

« Quand j’ai débuté dans le Rugby, nous avions 2-3 mois de préparation, désormais nous n’avons plus que 5 semaines. Evidemment, le travail a changé et nous avons dû nous adapter. Je fonctionne avec des principes, des choses que je mets en place et que nous allons répéter et développer tout au long de la saison. La préparation physique s’intègre aujourd’hui complètement dans une saison. C’est l’enchainement des choses qui génère la progression et la performance sur le terrain. » Sa méthode décompose les semaines en 3 phases « Modéré / Volume / Vitesse » en relation permanente avec l’ensemble du staff « en salle et sur le terrain ». « Tout est individualisé en fonction du profil du joueur, de ses anciennes pathologies. La musculation n’est qu’un outil pour développer et travailler des qualités physiques mais elle n’est qu’au service du Rugby. Mon objectif c’est que le week-end, le joueur soit sur le terrain et qu’il puisse donner le meilleur de lui-même. » Le choix des exercices, leurs répétitions et le suivi sont la clé de la réussite pour Mourad.
 

On doit toujours savoir apprendre de ses joueurs, la confiance et la communication sont essentielles. 

Au contact permanent du staff sur le terrain, il communique en permanence avec les coachs, Christophe et les analystes pour suivre en direct la charge de travail. « C’est hyper important d’avoir un feedback sur les courses et les intensités. La communication est la base. Sur le terrain, mon rôle est d’assurer le suivi de cette charge et d’alerter les coachs quand cela me parait nécessaire. Au final, c’est toujours Christophe qui tranche car personne mieux que lui ne sent le groupe mais je suis en échange permanent pour rester dans le cadre de ce que nous avons décidé sur chaque séquence en salle comme sur le terrain. » Derrière des côtés « vintage » Mourad a su suivre l’évolution de son sport et de sa pratique. Le casque audio qui ne quitte jamais ses oreilles lors des entrainements en témoigne. « On se doit d’être dans les datas dans les dernières technologies que cela soit sur les exercices ou les pratiques mais c’est vrai que je revendique un côté « Rugby à l’ancienne » dans l’aspect psychologique. Pour moi, il est fondamental de connaître ses joueurs et il faut se méfier de la technologie qui parfois masque la base ! On travaille avec des Hommes, il faut être capable de prendre du recul pour avoir la lucidité de regarder ce qu’ils ressentent et sont capables de faire ou pas. » A l’image de son coach, Christophe Urios, et de l’ensemble de son staff, la franchise et le dialogue sont les éléments moteurs de sa manière de travailler. « J’ai besoin de parler avec les joueurs, de les sentir, d’instaurer une confiance. Je préfère un joueur qui me parle et s’économise sur un entrainement, plutôt qu’un autre qui se cache, tire sur une blessure et se pète. La blessure fait partie du Rugby, mais je ne veux voir personne se blesser à l’entraînement. » Dans sa manière d’aborder son domaine, il cherche constamment à analyser le ressenti de ses joueurs. « Il faut parvenir à placer le joueur dans un niveau d’intensité où ce n’est pas trop facile, mais où tu ne risques pas que ce soit trop difficile au point de mettre en danger son physique. » Tout est question de mettre le capteur au bon niveau et de le suivre tout au long d’une semaine de travail en mesurant les impacts sur les organismes et pour cela Mourad a besoin de ces échanges directs et francs avec ses joueurs. Il est ainsi « le maître du temps » et de la charge de travail au service du Rugby.

Parfaitement intégré dans un staff qu’il connaît sur le bout des doigts et qui lui permet de « gagner du temps », Mourad apprend à connaître la Région notamment après les épreuves des Vulcains. « Clermont me fait, parfois, penser à Bourgoin. Ce côté Gaulois, ancré dans un territoire où le Rugby représente quelque chose de fort, où le public te porte et qu’il faut traverser en hiver quand ce n’est pas marrant… je ne suis pas surpris que les Berjalliens qui sont passés par ici (et qu’il a tous côtoyés : Julien Bonnaire, Julien Pierre, Benoit Cabello, Morgan Parra, etc…) se soient tous épanouis ici et ont fait de belles choses »… Mourad à la même ambition !