Vous vous demandez peut-être d’où vient la classe et la facilité de la patte gauche de l’ouvreur argentin ? Pour répondre à cette question, il faut remonter dans son enfance et son amour pour le Football. Bien avant de manier la balle ovale, le gamin de Buenos Aires, avait taquiné le ballon rond dans le mythique club de River Plate dont il a porté les couleurs 2 saisons à l’adolescence. Ce milieu offensif prometteur « del màs grande » le surnom du club le plus titré d’Argentine a finalement choisi « à la surprise générale » de sa famille « et de River » de rejoindre ses frères à CUBA, le club de rugby de la capitale. Retour sur le début de la carrière del pibe de River (le gamin de River, en français dans le texte) …

 

Même si les Pumas viennent de terminer à la quatrième place de la Coupe du Monde de rugby, l’Argentine vit au rythme du Football, de l'Albiceleste (la sélection nationale) et de son dieu vivant, Lionel Messi. La capitale, Buenos Aires est-elle divisée en 2 entre les fans de River Plate et ceux de Boca Junior, les deux clubs les plus populaires d’Amérique du Sud qui s’affrontent dans le seul et unique Superclasico. Dans la famille Urdapilleta, tous n’ont d’yeux que pour River et le mythique maillot blanc rayé d’une diagonale rouge. « En Argentine, tous les enfants naissent avec un ballon de football aux pieds » raconte Benjamin… sauf ses frères aînés qu’il accompagne sur le terrain de Rugby de CUBA (Club Universitaire de Buenos Aires) dans sa petite enfance « mais toujours avec un ballon de Football. Mon bonheur était d’être au bord du terrain et de jouer au Foot, de jongler. J’avais toute la tenue de River, les maillots, les survêtements, les posters dans la chambre. » Dans ces années, Diego Maradona était encore un dieu, mais pas la vraiment le modèle de Benji. « Maradona avec l’Argentine, bah oui, tout le monde aimait, c’était le meilleur du monde … mais il était de Boca ! Moi j’étais fan d’Ariel Ortega, le milieu de terrain rapide et technique de River (87 sélections avec l’Albiceleste et vainqueur de la Copa Libertadores avec River, la coupe d’Amérique du Sud) ». Pas facile de concilier les deux clubs voisins de la capitale argentine qui se partagent les classes populaires et plus aisées de la ville. « Urda » et toute sa famille soutiennent le club rayé de la diagonale rouge et pas question de porter du Jaune et Bleu à l’époque (bien que nous verrons plus tard que cela n’est tout à fait vrai…)

 

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Benjamin intègre River Plate lors d’une détection de 2000 enfants de 13 ans !


Après quelques années en Foot 5 pour développer sa technique, Benjamin a l’opportunité de toucher son rêve : intégrer River Plate. Cela passe par une détection monumentale parmi 2000 enfants de 13 ans de tout le pays et 3 semaines de tests, 2 heureux élus décrochent le graal. Il en fait partie. « Toute la famille était aux anges et nous avons dû organiser mon changement d’école car les entrainements étaient tous les jours du mardi au vendredi de 14h à 17h. » Timide (de premiers abords) Benjamin traine un peu les pieds à quitter ses copains mais il accepte de tenter l’aventure et d’endosser le maillot de River Plate. Il le portera durant près de 2 saisons avec les pépites du football argentin affrontant Independiente, San Lorenzo, et tous les grands clubs du pays… sauf « Boca ». Ce milieu offensif au pied gauche déjà remarquable passe les terribles points de passage des fins de saison où le tri est impitoyable entre « ceux que River garde… et les autres ». Benji grimpe en « Football Amateur » (le centre de formation) et foulera le Monumental (le stade résidant de River) devant 82 000 spectateurs lors du jubilé Enzo Francescoli (« le prince » du football uruguayen star du grand OM et de River dont il est encore dirigeant) où son équipe jouait le lever de rideau. « C’était fabuleux, nous avions gagné 5 à 1 et j’avais même marqué un but ! J’ai pu le célébrer avec les fans dans ce lieu incroyable ! » Mais quelques mois plus tard le soufflet retombe, Benjamin, éloigné de ses amis d’enfance, préfère parler à ses parents et quitter le milieu du football. « Tout le monde était déçu à la maison parce que tous me suivaient et étaient fans depuis toujours de River. Les dirigeants n’ont pas vraiment compris non plus. On ne quitte pas ce club en général c’est plutôt les coachs qui décident de ne pas te garder… Moi, ils m’ont dit de réfléchir et que la porte restait ouverte… » Benji s’en éloignera pour retrouver sa vie de famille, son adolescence et il suivra finalement ses amis et ses frères à CUBA pour découvrir le Rugby. « J’ai commencé à la mêlée, parce que j’étais tout petit mais je voyais le 10 jouer au pied tout le temps et j’ai dit « c’est ça que je veux faire : Taper dans le ballon ! » Très vite, il passe à l’ouverture et développe le potentiel qu’on lui connait. Bien aidé par sa technique de Footballeur, Benji régale dans l’occupation ou face aux perches et à 18 ans, il rejoint l’équipe Une de CUBA pour jouer avec son frère (ailier ou centre) en première division. « C’était super, même si je ne jouais pas ouvreur mais centre, au début, parce que le 10 de CUBA était le papa de l’équipe, un ancien pas super mobile mais avec une sacrée tchatche » dont il reconnait s’être largement inspiré ! Benjamin tape très vite dans l’œil des sélectionneurs et honore ses première sélections avec les Pumitas (moins de 18 ans puis moins de 20 ans argentins). Il participe à la Coupe du Monde des moins de 20 ans en France … organisée à Clermont que les Bleuets remporteront avec les Jacquet, Chouly, Domingo et consorts. La suite : les Harlequins, Oyonnax puis Castres … on croyait la connaitre mais c’était sans fouiller plus profondément dans le passé de l’ouvreur argentin…

 

Après River, Benji tente un dernier coup de poker… avec BOCA !

 

Après ses premières sélections avec les jeunes Pumas, Benjamin n’a pas vraiment tiré un trait sur son rêve de devenir footballeur professionnel et il se lance un dernier défi pour n’avoir aucun regret. « A 18 ans, j’ai dit à mes parents que je voulais faire une pause dans le Rugby pour m’offrir une dernière chance de devenir joueur de Football. » Un ami de la famille active son réseau pour offrir une opportunité à Benjamin. Aucune porte ne s’ouvre à River ou dans la dizaine de clubs que compte la capitale mais une autre s’entrouvre chez le grand rival : Boca Junior. « Et oui, ben ça arrive que des mecs de River aient joué à Boca ou l’inverse mais ils ne le disent pas ! Bon je n’ai pas choisi le club mais j’avais une chance même si ça faisait 3-4 ans que je ne jouais pas et que j’avais un peu perdu la conduite de balle et la technique, j’avais envie de voir ce que je valais. Il fallait que je tente ma chance. » Benjamin va à l’entrainement de l’équipe du centre de formation de Boca et participe à un match avec la réserve. « Bien sûr, personne ne me faisait de cadeau parce que personne n’avait envie que je prenne la place à un mec avec qui ils jouaient depuis des années, alors c’était dur, mais je me suis bien battu et franchement c’était pas mal. » A Boca, le club le plus populaire de la ville, plus qu’ailleurs les carrières changent les vies, la pression est énorme et les plus grands espoirs entourent les jeunes joueurs. Benjamin n’a pas renversé la hiérarchie lors de son ultime chance de devenir footballeur mais il est reparti avec les félicitations du coach « Je ne peux pas te prendre parce que tous les joueurs ici sont là depuis des années. Je peux le faire si tu es Maradona, si tu as quelque chose de différent, mais je peux te dire que tu es un bon joueur et que si tu essayes dans un autre club, plus petit, ça marchera… » Content et fier de ce dernier test, Benjamin laisse le Football pour retourner vers le Rugby où il débute la formidable carrière qui deviendra la sienne.

 

 

Son passé de « gamin de River » s’est rappelé une fois à lui, lors d’une cérémonie organisée à l’ambassade de Madrid en 2018 avec de grands sportifs argentins parmi lesquels, l’ouvreur des Pumas était invité. A quelques mètres de lui, Augusto Fernandez (milieu star de l’Atletico Madrid passé par Saint Etienne et coéquipier de Lionel Messi avec l'Albiceleste) qu’il n’avait pas osé aborder (par timidité) le reconnait au premier coup d’œil. « Benja ! ça fait plaisir de te revoir. » Les deux garçons évoluaient ensemble sous les couleurs de River à l’adolescence et Augusto se souvenait parfaitement de ce milieu qu’il décrit à ses copains de l’Atletico et du Real invités à cette soirée comme « un milieu avec un sacré tempérament et un beau pied gauche ». Les deux pépites de River sont depuis restés en contact, la « patte gauche » fait elle les beaux jours des Jaune et Bleu depuis le début de la saison.