
Plus populaire encore que le Rugby, la lutte géorgienne a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Implantée dans tous les villages, elle a offert au Pays des médailles d’or olympiques et d’innombrables titres de champions du monde. Elle a aussi forgé le corps de nombreux rugbymen clermontois comme Davit Zirakashvili ou plus récemment Giorgi Dzmanashvili. Pour comprendre les liens entre la lutte et le Rugby nous sommes allés au centre national de la fédération géorgienne de lutte.

A quelques centaines de mètres du stade refait à neuf où joueront les Auvergnats, cet après-midi, le bâtiment de la fédération national de lutte ne paye pas de mine. Les lutteurs aux oreilles encore bien plus machées que les rugbymen sortent par groupe de ce vieil immeuble placée au coin de l’avenue Chavchavadze. L’intérieur n’est guère plus moderne mais personne n’est là pour cela. Tous sont dans ce lieu mythique de la lutte géorgienne pour les trophées qui ornent le hall d’accueil, les médailles olympiques et les coupes de champions du monde que la Fédération compte par centaines. Cet après-midi ce sont les jeunes espoirs du pays qui s’entraînent sur les tapis de lutte sous le regard autoritaire d’Otar Tatishvili. Le personnage est une légende dans ce sport. Entraineur national depuis près de 40 ans, il compte une dizaine de médailles d’or olympiques et au moins le double de champions du monde passés entre ses mains. « Ici en Géorgie, la lutte est une tradition culturelle. Elle fait partie de l’éducation des enfants. Nous sommes ici au centre national pour prendre les meilleurs et en faire de champions. » Une quinzaine de lutteurs géorgiens du centre participeront dans quelques mois aux jeux olympiques de Paris. Otar connait bien le Rugby… et même Clermont puisqu’il a eu entre ses mains un certain Levan Tsabadze « avec qui nous avons gagné plusieurs titres de champions d’URSS (du temps où la Géorgie était encore rattachée au bloc soviétique) ».

Au bord du tapis, que fréquentent les plus prestigieuses nations lorsqu’ils veulent se frotter à la rudesse des Géorgiens lors de stage d’avant compétition, le confort est rudimentaire, les jeunes lutteurs sont poussés jusque dans leurs derniers retranchements, jusqu’à l’épuisement. Les combats s’enchainent, Otar surveille, interrompt la lutte, ordonne et relance ce ballet que ses jeunes élèves semblent connaitre par cœur. Les affrontements sont d’une vivacité incroyable. « C’est pour cela que la Lutte fait de bons rugbymen » sourit Otar. « Elle prépare à travailler sur des appuis bas, à avoir une grande maîtrise de son centre de gravité et de bonnes attitudes au contact. La Lutte permet d’utiliser au mieux la force que le corps peut développer pour soi mais aussi la manière de se servir de celle de son adversaire pour le contrer. » Autant d’automatismes que les rugbymen exportent ensuite dans leurs attitudes sur les zones de plaquages ou de rucks. Mais c’est bien l’esprit qui rapproche les deux sports comme le résume Otar. « Pour réussir dans la Lutte, il faut de la persévérance, de la rigueur, de la discipline et du travail. » On croirait les mots sortis de la bouche même de Christophe Urios qui travaille depuis toujours sur ces mêmes valeurs. Dans cette salle de la fédération géorgienne, elles prennent tout leur sens. La sueur coule, les oreilles saignent, le bruit de chaque passage au sol fait résonner les murs où les photos des champions passés et actuels donnent aux jeunes lutteurs l’ambition de faire honneur à leur pays.





Dans cette salle qu’Otar Tsabadze chérit comme un trésor national, certains espoirs de la lutte géorgienne passeront peut être, sur le tard au Rugby comme l’ont fait avant eux, Levan Tsabadze, Davit Zirakashvili, Davit Kubriashvili ou Giorgi Dzmanashvili, d’autres poursuivront leur rêve olympique. Ils seront une bonne quinzaine de pensionnaires de cette salle, dans les deux disciplines de la lutte (libre et gréco-romaine) à viser le titre lors des jeux de Paris 2024.