
Le sol calcaire des vignes où Christophe a grandi recrache les rayons du soleil donnant au Minervois, en cette fin janvier, une douceur printanière. Dans ce terroir adossé à la montagne noire où la viticulture est une religion, les hommes sont à l’image du vin : robustes, puissants, identitaires et dotés d’un solide caractère. A Pépieux, l’entraineur clermontois a gardé tous ses copains d’enfance, ses habitudes et ses racines.
En passant devant l’école, les premiers souvenirs du village où il est arrivé à l’âge de 6 ans, le ramènent à Monsieur Salloze, son instituteur « Je l’adorais, pourtant c’était un tueur ! Je me souviens comme si c’était hier du jour où il m’a mis une tarte parce que je m’énervais et je ne comprenais pas pourquoi il fallait un « z » à « chez »… Parfois, il ne faut pas chercher à comprendre et appliquer. « C’était un peu ça l’éducation à Pépieux. Il fallait préparer les jeunes à être rudes et avoir du caractère mais au-delà cela, ce mec était génial et avait la faculté de nous amener avec lui dans tout ce qu’il enseignait » L’enfance dans le Minervois était « sans histoire » et ce ne sont que de « bons souvenirs », ceux des villages du sud de la France où on allait à l’école à pied puis en vélo et où on s’amusait dehors avec les copains jusqu’à la tombée de la nuit. Les étés étaient rythmés par la venue des ouvriers espagnols qui arrivaient, en famille, travailler la vigne durant les mois des vendanges (qui s’étalent sur une dizaine de semaines dans le Minervois en raison de la richesse et la diversité des cépages). « C’était vraiment le bon temps, on mangeait tard, on se couchait à pas d’heure et la musique espagnole donnait à Pépieux des airs de fête tout l’été ». Christophe avait rejoint le Minervois après la promotion de son père « il avait accepté d’être régisseur du domaine viticole de Pépieux après avoir eu des fonctions similaires à Bessan (à côté de Béziers). Ma mère tenait le « Tabac » du village, nous connaissions tout le monde ». 50 ans plus tard, rien n’a vraiment changé, Christophe ne fait pas un pas dehors sans saluer les habitants du village, discuter avec les voisins, ou retrouver ses amis… les mêmes qui usaient les bancs de l’école communale en compagnie de Monsieur Salloze. Avec eux, il a fait les 400 coups et ses premières vendanges… « L’été, on ne partait jamais en vacances car c’était une période importante pour la vigne et le village. D’ailleurs, dès mes 14 ans, comme j’étais déjà costaud, je portais la hotte puis je travaillais à la cave. Mon père m’a mis au turbin rapidement … Cela faisait aussi partie de l’éducation ». Aujourd’hui, ses amis sont maçons, électriciens, viticulteurs, la plupart sont encore et depuis toujours au village. « J’aime bien les rituels et tous les ans depuis que j’entraîne, ils viennent me voir sur un match… Mais je me suis aperçu qu’à chaque fois, ils me portent la maffre, ils sont mêmes arrivés à me faire perdre à domicile avec Castres face à Agen (qui était dernier à l’époque) ! Maintenant je fais gaffe, je cible les matchs ! (Rires) »Les années ont passé mais rien ne change, son groupe d’amis est un véritable socle. « Ils savent que je ne change pas que je suis comme ça… ils n’hésitent pas à me dire quand je parle trop, quand on me voit trop, là, je sais qu’il faut que je fasse gaffe ! »

Le retour à Pépieux et à Pepusque…
Le rugby (qu’il a débuté à Olonzac à quelques kilomètres de Pépieux) a longtemps écarté Christophe de son village. « Je suis parti jeune à Carcassonne puis à Castres. » Sa carrière de joueur puis d’entraineur a distendu son lien avec le Minervois mais les racines sont tenaces. « J’ai fait un BTS viticulture et métiers du vin parce que cela faisait sens avec ce que je suis. Ce n’est que plus tard que c’est devenu une passion. » Le retour au pays et surtout l’envie de créer quelque chose dans son terroir a ainsi mûri. « Mon rêve absolu était d’avoir un domaine dans le Minervois ». En 2018, la semaine du titre du CO, son frère, Guillaume, lui rend visite et lui amène un vin de Pépieux (château Pepusque) lui promettant « de belles choses ». Christophe ne connait pas l’appellation et confirme le palais de son petit frère. Quelques jours plus tard, Castres est champion de France, il déclare sur la pelouse au micro d’un journaliste « ce que j’aimerais c’est être en haut d’une colline, seul… » Le lendemain, des confrères du journal l’Équipe développent en poussant Christophe à choisir un vin pour l’accompagner. « Je réponds machinalement : château Pepusque ! »L’Histoire pourrait s’arrêtait là … elle reprendra près de deux ans plus tard lorsqu’il apprend que le domaine « Pepusque » est en vente. Christophe se déplace sans vraiment savoir où aller à Pépieux, rencontre l’ancien propriétaire, Monsieur Laburthe, qui dégaine cet article de l’Équipe au lendemain de la finale où il déclarait son amour pour le Pepusque… « C’était prédestiné ! » et le coup de cœur se poursuit lorsqu’il visite les locaux du domaine qu’il reconnait immédiatement. « J’y avais passé toute mon enfance puisque ce sont les lieux où mon père travaillait (qui avait changé de nom entre temps). Je m’amusais dans les coursives, entres les cuves, avec les copains du village. Je me suis dit « s’il y a un endroit où je dois accomplir quelque chose : c’est ici et il faut que je le fasse. » On est en 2020, l’aventure Pepusque débute. Comme toujours Christophe s’entoure de ses proches, de ses fidèles, des gens avec qui il peut travailler en confiance. Ses frères, sa femme, Isabelle, font partie de l’aventure. Tony le maître de chai et Claude, l’œnologue, les rejoignent. Le domaine est relancé.

« Le vin me ressemble et moi je ressemble au terroir. J’ai besoin d’avoir ce trait-d’union »
« Pepusque n’est pas une soupape de pression » stoppe le coach de l’ASM. « Je ne me dis jamais, j’y vais pour échapper à quelque chose, pour me changer la vie mais quand je suis dans le Minervois, je suis heureux. Ça me fait du bien, je parle avec des gens que je connais depuis toujours, c’est finalement un peu ma madeleine de Proust, mes racines sont ici ! Mon esprit est né ici, Pépieux c’est chez moi. » Il n’y a pas de contradiction ou d’opposition avec sa vie clermontoise, Christophe l’a dit et redit : il se sent bien en Auvergne, épanoui dans sa vie d’entraineur. Ce qui se passe dans le Minervois est simplement plus profond, presque viscéral. « Si je ne viens pas de 2-3 mois je ressens un manque : j’en ai besoin. » Son exigence, bien connue sur les pelouses du Top 14, est facilement perceptible dans le domaine viticole où il n’hésite pas à déléguer « pour laisser faire les professionnels » mais où il prend les décisions les plus importantes du domaine. « Quand quelque chose ne me plait pas, je ne négocie pas : je ne fais pas. » Et quand on lui demande si avoir son nom sur une étiquette est une fierté, un honneur ou une reconnaissance… il bifurque aussitôt. « C’est une responsabilité ! Je veux que chacune de mes cuvées ressemblent à ce que je suis. Le Pepusque doit être un vin sérieux, bon et authentique. » Dans sa description, il y voit un vin « moderne dans le temps, qualitatif, bon à boire de suite tout en pouvant s’améliorer dans le temps. Ce sont avant tout des vins identitaires de mon terroir, gourmands, structurés où l’on ressent le soleil et le travail ». Chacune de ses cuvées ont un sens : la « Marco » en hommage à son premier président à Oyonnax (Jean-Marc Manducher) porte son histoire, Labell’Isa, un blanc pour sa femme dont il prédit « un nez incroyable » pour le prochain millésime aussi… « Le vin me ressemble et moi je ressemble au terroir. J’ai besoin d’avoir ce trait-d’union ». Le domaine poursuit la métaphore avec l’homme fort de l’ASM. Le lieu, modernisé pour répondre aux exigences qualitatives du vins proposés est accueillant, chaleureux, festif, convivial et attachant, capable de s’enflammer lors des nombreux évènements qui font chanter et danser les visiteurs et les fidèles du village. Une grande fresque quadricolore raconte son histoire. « Les quatre couleurs du domaine symbolisent mes enfants. Ce que je fais, aujourd’hui et ce que je ferai demain est pour aider mes enfants à lancer leur vie. Tout ce que j’ai, je me le suis gagné, personne ne m’a rien donné dans la vie. Mon seul but est de leur transmettre quelque chose pour les aider à construire leur vie. » On y retrouve, aussi, les trois frères, les fêtes au village avec les familles espagnoles, les ceps de vignes « taillés au vert » qui font la qualité du raisin, le sigle de Pepusque, « la volonté de produire un produit reconnu aligné avec le terroir et notre histoire ». La peinture a encore de longs mètres de béton pour s’étendre au-delà de cette phrase qui revient en signature « Être meilleur ne s’arrête jamais »… la suite de l’histoire est à écrire. Elle se poursuivra après cette photo illustrée de 4 verres qui s’entrechoquent : un blanc, un rosé, un rouge limpide et un dernier plus soutenu. Quatre couleurs, une pour chacun de ses enfants : le sens de sa vie…