Morganne Shelford est associée à la progression et à la constance de l’aventure des Filles de Romagnat qui chaque saison s’affirment comme de très sérieuses prétendantes au bouclier que la seconde ligne a déjà soulevé en 2021. Professeure d’anglais dans le civil, elle jongle entre ses emplois du temps universitaires et le planning d’une joueuse de Rugby de haut niveau. Une passion dont elle a hérité à la naissance mais qui ne s’est concrétisée que sur le tard… Portrait

  

La voix douce et le sourire facile que Morganne porte à longueur de journée contrastent avec les charges ravageuses que la seconde ligne auvergnate fait subir à ses adversaires sur tous les terrains où les Jaune et Bleu évoluent. Joueuse redoutée et redoutable du championnat, elle n’arpente les pelouses que depuis quelques années à la faveur d’une copine qui l’a poussée à rejoindre le terrain d’entrainement au bas de la butte. « J’ai débuté avec Clothilde Vidal (qui joue toujours au club). C’est elle qui m’a amenée au Rugby. Mais il n’était pas question de s’engager juste d’essayer. Je lui ai dit « ok » mais je ne prends pas de licence… Évidemment cela n’a pas fonctionné et je ne suis jamais repartie » rigole celle qui est devenue un élément incontournable du pack romagnatois. Très vite les capacités physiques et « les bonnes mains » de Morganne ont été exploitées par Fabrice Ribeyrolles et Vincent Fargeas qui n’ont pas tardé à repérer son potentiel. Les années de pratique du Basket « jusqu’en Régionale 2 » avaient commencé à développer une gestuelle et une dextérité qu’elle exprime désormais au plus haut niveau en se proposant dans la ligne d’attaque où elle excelle dans le jeu après contact. Il faut dire que même si Morganne n’a démarré le Rugby que sur le tard… elle a doucement infusé dans une famille où la balle ovale est sacralisée, couverte par le mythe de la fougère argentée.

 

Du sang All-Black coule dans ses veines 

 

Car son papa, Franck, a porté le légendaire maillot All Black à une vingtaine de reprises (dans les années 80), son cousin, Wayne Shelford, remporta lui la première édition de la Coupe du Monde (en 1987) de sacrées prédispositions encrées dans les gènes. « C’était bien avant ma naissance mais, dans le ventre de ma mère, j’étais déjà aux bords des pelouses des stades de rugby. J’ai ensuite vu la fin de la carrière de mon papa lorsqu’il a terminé celle-ci au CRAC (Club Rugby Ancizes Comps) pour le plaisir.  Que ce soit dans le Basket ou dans le Rugby, il a toujours été d’un soutien total et très présent. » Bon sang ne saurait mentir, ainsi entre son passé d’ancienne Basketteuse et une culture Rugby forte, Morganne avait tout pour réussir avec les Filles et l’essai initié par Clothilde ne pouvait que se poursuivre. Pourtant tout n’a pas été si simple car, comme l’ensemble de ses camarades, elle doit concilier sa vie de sportive de haut niveau avec son métier. Avec une humilité qui la caractérise, elle s’en excuse presque « mon travail me prend beaucoup de temps, mais je n’ai pas à me plaindre. Il y a des filles qui sont infirmières avec des horaires incroyables… Moi, je m’adapte en priorisant les choses. » Morganne est professeure d’Anglais à l’Université Clermont Auvergne. Pourtant, comme ses copines, la première question dans le monde professionnel, est souvent la même « Comment arrives-tu à tout faire ? ». « C’est vrai que c’est toujours une sorte de jonglage permanent pour libérer du temps, d’autant que j’adore mon métier. » Comme sur un terrain, la seconde ligne ne joue pas à l’économie « Je suis à environ 700 heures sup ! Forcément quand je travaille beaucoup, j’ai moins de temps pour faire de la récup, de la muscu ou avoir une bonne nutrition. Bref, on fait souvent au mieux, sans que ce soit vraiment idéal. » Mais pas question de se plaindre au contraire, Morganne s’organise et « bénéficie de la compréhension et la gentillesse de ses collèges ». « Elles connaissent la situation et cela me permet de libérer certaines plages horaires par moment. Sur l’année, j’essaye de trouver des solutions : lors des périodes « Coupe de France » je mets l’accent sur la FAC, et quand les phases finales approchent c’est plutôt Rugby. » Tout est une question d’équilibre.

Un roc de sérénité, au cœur du pack des Jaune et Bleu

 

Au sein du pack des Filles de Romagnat, Morganne participe aussi à l’équilibre du groupe en étant un repère quasi insubmersible vers lequel toutes convergent quand l’énergie déborde. Une leader par l’exemplarité sur et en dehors du terrain qu’elle reconnait du bout des lèvres. « Je me suis un peu cherchée en début d’année avec des changements de rôles et 4 capitaines sur des secteurs identifiés (Jessy, Ophélie, Mathilde et Mouna). Je laisse toujours les leaders prendre la parole, mais comme je suis là depuis quelques temps je ne m’interdis pas de le faire par moment quand cela me semble important. Si je suis un leader c’est par ce que je fais sur le terrain à travers la maîtrise et la sérénité que je peux dégager … Et aussi de l’humour. » Une authenticité vraie, à l’image de ce collectif des Filles de Romagnat qui vit bien ensemble et ne cesse de se réjouir (et presque se surprendre) de la notoriété en constante progression autour du rugby qu’elles pratiquent. Morganne nous en donne une belle démonstration. « Nous avons l’habitude de faire une bise à nos amis en fin de match en montant en tribune à Romagnat. Il y a quelques temps, j’ai rencontré des gens qui venaient pour la première fois. Les garçons ne jouaient pas, ils avaient simplement entendu parler de nous sur le site internet du club et sont venus « pour voir ». Désormais, ils viennent à tous les matchs, sont devenus des amis et sont maintenant dans mon tour de bises (rires) ! Je trouve ça formidable que désormais, des spectateurs viennent nous voir, pas seulement en lever ou en baisser de rideau mais vraiment pour nous ! » Une reconnaissance bien méritée de ce groupe de filles porté par de belles valeurs que Morganne symbolise à merveille comme le reconnait Fabrice Ribeyrolles. « Sportivement, humainement c’est l’une des piliers de notre collectif. C’est notre force tranquille, jamais en panique, toujours Zen, mais quand elle a décidé de s’énerver : elle renverse tout le monde et traverse le terrain… Elle est comme ça dans la vie, d’une honnêteté et d’une franchise totale : capable à la fois de dire les choses, de les écouter et de s’en servir. Elle incarne parfaitement ce qu’est notre groupe ».


Samedi à 16h30 face à des Toulousaines qu’elle sait « depuis toujours agressives et efficaces » elle ne se pose même pas la question « Est-ce que l’on peut le faire ? Bien sûr ! Nous avons toutes les cartes en mains pour faire un gros match. Nous avons beaucoup travaillé sur la gestion de la pression et de nos émotions afin de jouer libérées. Nous sommes toutes conscientes que nous sommes capables de gagner ces matchs-là, nous devons simplement nous faire confiance. » Qui a confiance en soi, conduit les autres dit-on. Les Romagnatoises peuvent compter sur leur « force tranquille » pour montrer le chemin.