Solène avait tout juste 18 ans lorsqu’elle a intégré l’équipe première et remporté la finale du challenge Armelle Auclair face à Lyon (en 2016) propulsant les Romagnatoises en première division. Figure emblématique et historique de l’épopée des Auvergnates, elle est un pur produit du club. « Un diamant brut » que Fabrice Ribeyrolles a façonné en s’appuyant sur un caractère affirmé et de sacrées qualités qu’elle a su développer pour s’imposer comme la patronne du paquet d’avants Jaune et Bleu. « Une vraie neuf » cornaqueuse, collée au ballon et pénible à jouer pour ses adversaires… Ses coéquipières, en revanche « l’adorent ! »

 

Diriger l’un des paquets d’avants les plus soudés de France n’est pas donné à tout le monde. Il faut une certaine légitimité et du caractère. Solène Gaucher s’est d’abord construite sur les tatamis de l’école de Judo, dès son plus jeune âge, suivant les pas d’un papa, licencié à l’ASM, ceinture noire et engagé dans les championnats de France.  « Je suis allée jusqu’à la ceinture marron. J’étais en train de passer mes Kata pour la ceinture noire lorsque j’ai décidé de basculer complètement dans le Rugby. » Elle avait alors 13-14 ans et avait déjà été piquée par la balle ovale quelques années plus tôt lorsqu’un de ses profs de collège lui avait proposé de rejoindre Gerzat …comme toujours « pour essayer ». Sauf que Solène n’est jamais repartie et cela même si elle était la seule fille « de son équipe de gars ». Son petit frère Rémi, s’y met aussi (Solène jouera même un tournoi « à Meyzieu » avec lui profitant du sous-classement autorisé pour les filles) pendant que son papa joue lui avec les vétérans du club. « Le judo m’avait apporté une éducation sportive autour du respect vis-à-vis des adversaires, de la règle, des arbitres, des entraineurs, mais après avoir gouté au sport collectif, j’ai su que c’était ce que je voulais faire. »  Elle rejoint les cadettes de Romagnat et va très vite développer des qualités qui lui font pointer le nez en équipe première dès ses 18 ans. « On a même dû attendre le milieu de la saison et sa majorité pour l’intégrer avec l’équipe une  » précise Fabrice Ribeyrolles. Depuis, elle ne l’a jamais quittée. « Pour sa première année, elle entre lors de la finale et met un essai. » Le souvenir bouscule un peu l’entraineur des jaune et bleu dont l’arrivée à Romagnat coïncide avec le début de carrière de Solène … « parce ce que c’est une fille particulière pour qui j’ai beaucoup d’affection et de respect. Je l’ai vu grandir pendant toutes ces années, c’est un peu comme si c’était ma fille. C’est une super fierté de la voir s’épanouir comme ça en tant que femme, en tant que joueuse, de voir la confiance qu’elle a, la maitrise et la compréhension du Rugby qu’elle a su développer. »  Solène a grandi et évolué avec le club. « Au début, j’avais tellement de choses à apprendre. Lorsque nous sommes montées, nous ne faisions pas de muscu, pas de recup… tout a évolué pour nous permettre de grandir. Je me souviens de notre premier match dans l’Elite face à Lille (Multiples championnes de France) … il y avait un gouffre : ça a piqué ! » Un peu de muscu, un encadrement plus dense et un suivi davantage tourné vers le haut niveau et Romagnat a rattrapé son retard pour s’installer parmi les meilleures équipes de France. Solène, elle, a également beaucoup évolué comme le raconte Manon, la droitière des Jaune et Bleu, elle aussi depuis le début de l’aventure et le titre en 2016. « Elle a beaucoup travaillée sur elle-même. Elle prenait trop les choses à cœur… Je l’ai toujours connu. Avant, elle pouvait faire sortir les filles de leur match en transmettant sa rage. » « C’est vrai ! » rigole la demie-de mêlée auvergnate, « mais j’ai changé grâce à la prépa mentale. Un truc m’énervait, je pouvais ne faire que râler sur le terrain et diffuser de mauvaises ondes. Je suis plus positive dans les discours mais je poursuis quand même la prépa mentale » sourit-elle. Parce qu’elle « a du caractère » confirme Fabrice. « C’est une vraie 9 ! Elle aime embrouiller les adversaires, comme elle a fait la semaine dernière à Toulouse, elle tchatche … » « Je pense que je détesterais jouer contre elle, appuie Manon, elle a ce tuc de filou des demi-de-mêlées qui rend pénible.  Elle le sait, je lui ai déjà dit, mais franchement si elle n’était pas dans mon équipe, elle ne serait pas mon amie… » « Oui ! Je peux être un peu comme ça et ça peut m’arriver de chercher un peu sur le terrain discrètement mais c’est le poste qui veut ça non ? » … évidemment, on confirme !

Elle fait partie de ces joueuses qui quand elles sont sur le terrain me donne 100% de confiance. C’est un petit diamant que nous avons bien poli et qui aujourd’hui nous donne entière satisfaction. 

Fabrice Ribeyrolles, coach des Filles de l'ASM Romagnat

Le caractère, la générosité et la compétitivité, sont là depuis toujours, l’évolution est ailleurs… Et c’est Marie (Ménanteau, la demie-de mêlée internationale, aujourd’hui dirigeante, avec qui Solène a partagé le poste à Romagnat) qui nous en dit plus. « Soso s’est beaucoup épanouie sur les dernières saisons. Moi je parlais, tout le temps ; elle très peu, mais elle est capable de diriger sans cela. Elle a son truc. Elle ne parle pas si souvent mais quand elle le fait tout le monde l’écoute. Solène a râlé parce qu’il n’y avait personne dans les rucks… tu peux être sûr qu’il y aura du monde dans les rucks après. » Elle confirme.  « Je me vois évoluer chaque année dans ce domaine. J’ose plus de choses. J’arrive à parler dans le cercle ou pendant les matchs alors qu’avant c’était plus compliqué ».  « Elle a pris beaucoup de maturité », ajoute Fabrice Ribeyrolles…  « neuf ans d’Elite ça fait un beau CV, elle a cette légitimé qui fait qu’on l’écoute. Elle ose dire les choses. Elle en exige d’autres… C’est son boulot. Elle a des atouts qui sont parfaitement en phase avec notre projet de jeu, elle colle au ballon, elle anime et pend des initiatives. Elle fait partie de ces joueuses qui quand elles sont sur le terrain, nous donne 100% confiance ». La fierté revient au galop pour Fabrice. « C’est un petit diamant que nous avons bien poli et qui aujourd’hui nous donne entière satisfaction. » Sauf peut-être sur le jeu au pied, le talon d’Achille de Solène. Fabrice en rigole : « Deux pieds gauches … avec des chaussures de ski ! » « J’ai abandonné l’idée, je me suis entrainée pendant 2 ans, mais j’ai laissé tomber ! Je n’ai pas de jeu au pied, alors il faut que je trouve des qualités ailleurs ! (Rires) J’essaye de coller au ballon, de travailler ma passe (avec l’aide de Jéremy Jallut) et de mettre un maximum de vitesse. Il faut maintenant que j’attaque plus les espaces pour ajouter de la menace ». Avec d’autres solutions comme Jessy ou Lina, le jeu au pied ne semble pas être un problème pour les Auvergnates, Solène peut dormir tranquille et entretenir ce qu’elle fait à merveille… le lien entre les avants et les trois-quarts. « Je suis naturellement plus proche des avants et quand le jeu le demande ce sont plus Lina et Jessy qui prennent le lead au niveau des 3/4. On ne se marche pas dessus, on est en osmose. Avec mes avants, j’entretiens un confiance immense et j’espère inversement. Ainsi, on arrive à se suivre. » Et cela va au-delà du terrain puisque le secret des Romagnatoise repose sur un cohésion qui vire à la complicité. « On est toujours dans le plaisir. On se voit beaucoup en dehors, on part en vacances ensemble, cela participe au fait que nous soyons toujours soudées sur le terrain. Tout le monde donne énormément pour ce groupe mais avant tout par plaisir. » Un groupe de copines qui ne compte pas se satisfaire de cette finale. « Même si on fait une belle saison et qu’on a beaucoup évolué depuis l’année dernière, on veut tout faire pour aller chercher ce titre. »

 

Samedi, derrière son mètre cinquante-six, c’est une immense compétitrice qui passera une couche de vernis Jaune et Bleu sur ses ongles avant d’aller diriger un paquet d’avants qui l’adore.  « Soso » et ses coéquipières auront la farouche volonté d’aller agripper un nouveau trophée.