Après 11 mois de souffrance et de doutes, Peceli Yato refait surface avec toute la démesure qui colle à ce joueur hors-norme. Bien décidé à ne garder qu’un strap posé sur son genou comme mauvais souvenir de cette période difficile, il nous raconte sa traversée du désert et sa volonté de faire ce qu’il fait mieux que personne : avancer !

 

Les soucis de Peceli avec son genou gauche ont commencé en décembre 2019 comme se le remémore le médecin clermontois Remi Gaulmin. « Il a commencé par une rupture du ligament croisé postérieur puis, après la coupure Covid, il s’est rompu le ligament latéral interne. Il a subi une première ligamentoplastie chirurgicale en juin 2020 mais après des complications, nous avons été obligés de réintervenir sur son articulation en janvier 2021. A partir de ce moment-là, Peceli est entré dans une longue phase de réhabilitation. » « 11 mois c’est vraiment très long sans toucher le ballon », souffle le colosse fidjien. « Je suis passé par beaucoup de phases compliquées, parfois je me suis dit que ma carrière était finie, j’étais triste mais il fallait continuer à travailler et espérer… » Xavier Blanquet, le kiné des Jaune et Bleu qui a suivi la réhabilitation de Peceli, au jour le jour, sait par où il est passé. « Sur les rééducations longues, il y a toujours des hauts et des bas parce que la progression n’est pas rectiligne. Cela fonctionne plutôt en marches d’escalier. Il a parfois fallu le bousculer lorsqu’il était dans le dur ou dans une phase de plateau mais Peceli est quelqu’un de très volontaire et il a énormément bossé pour s’en sortir ». Après 11 mois, le puissant troisième ligne qui a refait surface et sorti la tête de l’eau sait qu’il n’y serait jamais arrivé seul. « Xavier et Scott (Crean le préparateur physique) m’ont beaucoup aidé et je sais aujourd’hui ce que je leur dois. Le physique est une chose, le mental en est une autre. J’ai beaucoup douté, ils ont toujours été là pour me rebooster et m’aider à retrouver le chemin du terrain. » Peceli se souvient particulièrement d’un échange avec son kiné au cœur de l’automne, lorsque la rumeur d’une fin de carrière rodait et qu’il avait « peur » que cela arrive. « Xav m’a dit : je te vois tous les jours, j’ai confiance en toi, tu vas arriver à le faire ! » A partir de ce moment-là, Peceli n’a plus jamais baissé la tête et à canaliser toutes les énergies pour son retour à la compétition. « Je me suis aussi beaucoup appuyé sur ma femme, Mia, qui a été formidable de soutien dans cette période en me poussant toujours à garder le moral. » A 10 000 kilomètres de là, au Fidji, son papa, Iliesa, fut aussi une solide béquille sur laquelle le troisième ligne s’est appuyé. « J’ai beaucoup parlé avec mon père ces derniers mois pour garder l’espoir. Nous sommes croyants et je crois qu’il a bien fait son boulot avec les prières pour que mon genou me laisse tranquille. » Un zest de spiritualité, de bons soutiens et surtout 11 mois de travail ont permis de remettre le phénomène fidjien sur pieds.

Après ma blessure en janvier 2021, mon père a cassé sa TV de rage. Je l’ai appelé avant Lyon pour qu’il aille s’en racheter une ! 

Peceli Yato
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Au mois de janvier, Peceli a enfin reçu le feu vert de son retour à la compétition. « Franchement c’était un immense moment de bonheur. Je sentais que cela allait finir par arriver mais je l’attendais tellement ! » Xavier et Scott étaient dans la confidence et dès que Christophe Urios a annoncé la nouvelle à Peceli, celui-ci a prévenu sa femme, Mia, puis son père, Ilesa, avec « beaucoup d’émotion ». « Je lui ai aussi dit de vite aller racheter une TV car mon père avait cassé l’ancienne après ma blessure en janvier 2021. Il m’avait dit que si c’était pour ça, pour avoir tant de peine, il ne voulait plus voir de Rugby. » Depuis la TV avait disparu de la maison au Fidji. Elle est réapparue, la veille du match à Lyon. « Depuis il regarde tous les matches de Top 14 sur Sky Pacifique » rigole Peceli… et prie pour que cela dure. Pour cela le programme du troisième ligne est adapté précise Rémi Gaulmin « c’est un genou que l’on doit gérer. Christophe le comprend parfaitement et cela nous permet d’optimiser sa charge de travail à l’entrainement. » Et cela marche comme le prouve les 31,8 km/h enregistrés par le GPS face à Castres. « C’est énorme pour un joueur de 122 kilos » se réjouit Scott Crean. « Peceli a atteint 96% de sa vitesse max. On continue de travailler pour gérer ses accélérations et décélérations. C’est un garçon qui prend très facilement de la masse musculaire dont on régule au mieux ses exercices. Il est autour de 130 kg en split-squat avec les élastiques mais l’objectif est de travailler sur sa capacité à transférer sa force en vitesse. »

 

« Après le triplé face à Castres, mon cœur me disait de foncer sur Xavier ! »
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En 11 mois, le fidjien a bâti une relation particulière avec ceux qui l’ont « reconstruit », avec ceux qui lui ont permis de « ne plus avoir peur, ne plus penser à son genou à chaque instant. » « Pour dire la vérité », précise Peceli, « il m’arrive encore d’y penser un peu avant le match mais dès que je rentre sur la pelouse, je suis vraiment libéré de tout cela. » « C’est bien sûr, notre plus belle récompense », sourit Xavier Blanquet « lorsqu’après de longs mois, on le voit épanoui et heureux sur le terrain, il n’y a rien de plus satisfaisant. » Et le Fidjien ne s’est pas privé d’en faire la démonstration après le match et son triplé face à Castres. « Les gens voient comment je suis sur le terrain sans imaginer ce qu’il y a derrière, mais moi, je savais bien que si j’en étais là après ce match face à Castres, c’était grâce à eux. Alors, mon cœur me disait de foncer sur Xavier pour le remercier ! Je sais que je leur dois beaucoup et que je leur suis très reconnaissant. » « On connait le caractère démonstratif de Peceli, mais sa gratitude a été très touchante », reconnait avec émotion le kiné clermontois, « clairement cela fait chaud au cœur de le voir sourire et se régaler sur le terrain. » Derrière la galère, le plaisir a refait surface mais le troisième ligne fidjien refuse de se projeter trop loin. « Aujourd’hui, la blessure n’est plus dans ma tête, mais je n’ai surtout pas envie de me poser trop de questions. Avant, je n’aimais pas trop jouer en seconde-ligne, aujourd’hui, je m’en fous complètement, 4-5-6-7-8 peu importe, même 18-19, ce que je veux : c’est simplement avoir un maillot sur le dos, être sur le terrain et aider l’équipe ». La saison prochaine, la Coupe du Monde avec les Fidji, l’avenir à moyen terme ne seront qu’une conséquence de son présent comme lui rappelle son père qu’il a toujours régulièrement au téléphone. « Mon père m’a toujours dit d’agir comme cela. Tant qu’il y a du boulot à faire, il faut le faire à 100% avec le cœur, avec tout ce que l’on peut donner…cela ne peut apporter que de bonnes choses pour la suite. C’est pour cela que je n’ai qu’une idée en tête : donner le meilleur pour l’ASM dès que je serai sur le terrain, le reste : on verra plus tard. »

 

Sur l’imposante cuisse surplombant l’articulation qui a causé tant de misères au colosse fidjien, il ne reste qu’un large strap pour lui rappeler ces mois difficiles. Une ficelle sur un tronc d’arbre. « C’est à la fois préventif pour mon genou et bon pour mon mental » plaisante-t-il. Une trace du passé. Celle du renouveau est installée dans le salon de la famille au village de Sigatoka depuis la 16ème journée de TOP 14 et diffuse les rencontres de l’ASM. On espère tous que son papa en prendra soin longtemps…