Dans la famille Dessaigne, vous connaissez Lucas, je voudrais le frère, Baptiste (centre) et le papa, Stéphane (entraîneur), leur point commun est évidemment Jaune et Bleu mais pas celui auquel on pense, celui du club de RC Riomois où Lucas entraîne, avec son père, depuis 3 saisons. On vous propose de suivre « Lulu » dans un rôle très différent, et à la fois complémentaire, de celui qu’il occupe à l’ASM Clermont Auvergne. Reportage…

 

Le thermomètre indique quelques degrés en dessous de zéro, un vent glacial balaye le terrain d’entraînement du RC Riomois pendant que Lucas sort de l’Algeco des coachs en faisant rouler un paperboard où il a soigneusement « planifié » l’entrainement de ce mercredi. Comme toujours, c’est un large sourire qui illumine le visage du troisième ligne clermontois qui salue « ses » joueurs et claque la bise à son père, arrivé en retard en raison de ses obligations. Stéphane est pompier professionnel et coach de Riom depuis maintenant 10 ans. La passion chevillée au corps, il a transmis à Lucas l’envie de le rejoindre « pour structurer encore davantage l’encadrement de l’équipe. » Le petit frère, Baptiste joue centre. Toute la famille est ainsi réunie deux ou trois fois par semaine afin de faire grandir le RC Riom, jeune promu en Fédérale 2. Lucas est parfaitement intégré dans ce rugby amateur où son statut et son exposition sont devenus presque anodins. « Il coache aujourd’hui une génération de joueurs qu’il a connue tout petit, lorsqu’il m’accompagnait » précise son père. « Il devait avoir 10-11 ans. Beaucoup sont devenus ses potes. Ils ont suivi sa carrière avec beaucoup de respect mais pour eux, il est avant tout leur coach. » Eux, ce sont Edgard (3ème ligne), Jonathan (centre), Clément (Ailier)… les potes de Lucas depuis toujours et ses joueurs, aujourd’hui.

Désolé nous ne trouvons pas l'image

C’est tout naturellement que Lucas a rejoint son père et le club qu’il suivait enfant. « Je suis venu faire une intervention pour donner quelques conseils autour de la touche. J’ai adoré l’état d’esprit et je ne suis jamais vraiment reparti. » Depuis 3 saisons, il fait partie de l’encadrement du groupe séniors en compagnie de Stéphane (son père), Jean-Luc, Julien et Seb (qui l’entraînait quand il était en U15 et U16). « Lucas gère une partie de la préparation physique et le secteur de la touche. Depuis 2 ans nous avons restructuré le staff en attribuant à chacun un domaine de compétence précis, il est entraineur à part entière » et joueur professionnel … pas incompatible au contraire, Lucas parle « d’équilibre ». « Entraîner est toujours un plaisir, quand tout va bien, ce n’est que du bonus, quand le Rugby pro marche un peu moins bien, cela permet de me vider la tête, de m’aérer, de voir d’autres personnes et de concevoir le rugby d’une autre façon. Le rugby amateur a ses valeurs, le casse-croute d’avant match, la causerie, et les retrouvailles à la maison du Rugby. Un rapport de fraternité et de convivialité ».

Entraîner est toujours un plaisir, quand tout va bien, ce n’est que du bonus, quand le Rugby pro marche un peu moins bien, cela permet de me vider la tête, de m’aérer, de voir d’autres personnes et de concevoir le rugby d’une autre façon.

Lucas DESSAIGNE

Sur le terrain partiellement éclairé du RCR, où la bise s’est encore renforcée, Lucas a enfoncé le bonnet sur ses oreilles, comme son père. Pendant que la séance a débuté et que « le touché » sert d’échauffement après quelques exercices de gainage, les deux hommes discutent, rigolent, partagent une vraie complicité… pourtant, les premiers temps n’ont pas été si simples. « Cela a été compliqué au début parce que nous avons tous les deux du caractère et nous n’étions pas toujours d’accord », reconnait Stéphane. Avec le temps, chacun a mis de l’eau dans son vin et la relation s’est apaisée. « Aujourd’hui, c’est facile de travailler ensemble et Lucas nous apporte beaucoup. Il permet cette transition entre le rugby amateur qui repose beaucoup sur l’affectif et le rugby professionnel qui demande beaucoup d’exigence. Le Rugby Fédérale est à la croisée des chemins, on puise des deux côtés. On doit lier, l’affectif, la bringue même mais aussi les exigences. Il intervient pour tempérer nos demandes d’exigence, cela lui apporte également un surplus au niveau de l’état d’esprit ». Il est 19h30, Lucas rassemble ses avants devant le tableau pour expliquer les consignes. Un discours net et précis, un claquement de mains et l’atelier se met en place. « On valide » « stop » « ok » le troisième ligne vit la séance à 100%, repositionne ses hommes, rythmant les touches au coup de sifflet. Subitement, il arrête tout, réunit tout le monde et met un coup de klaxon ! « N’allez pas me dire que vous connaissez pas les touches, on est en mars ! Ça je ne peux pas l’accepter ! » Le ton redescend aussi vite, les explications reprennent pendant que son père surveille le chrono. « 9 minutes 33, Lulu on enquille sur la deuxième partie ! » Lulu rogne tout de même un peu de temps pour terminer proprement un ballon porté « Quand tout le monde est connecté ça marche ! » lance-t-il avant de passer la main à son père qui dirige la séance collective en opposition sur la dernière demi-heure.

 

« Je pense que je suis exigeant mais je ne peux pas leur demander ce que l’on me demande », analyse avec justesse le troisième ligne des Jaune et Bleu. « J’adapte donc les séances en prenant des exercices qui me parlent, plutôt ludiques. Ici, j’ai le bon rôle car ce n’est pas moi qui prends les grosses décisions, on va dire que je suis plutôt cool ». Lucas n’en rajoute jamais et finalement les seules couleurs Jaune et Bleu qu’il porte en tant que coach sont celles de Riom. « Quand je suis là, je suis l’entraineur de Riom, pas le joueur de l’ASM. Je suis comme eux, mais à la différence de jouer : j’entraine. Rien de plus. » Une humilité qui le crédibilise encore davantage à en croire Jean-Luc, l’un des coachs du RC Riomois. « Il n’en joue pas du tout, il n’en a pas besoin. Sa parole est écoutée, respectée comme tout le monde ici.

 

Lucas vit cette passion à 100%, il doit même encore gérer un peu la frustration d’être de l’autre côté de la barrière. » Stéphane, l’avait dit, les supporters clermontois le savent, les Dessaigne ont du caractère et il ne faut que quelques minutes d’opposition pour s’en convaincre. Après quelques libérations hasardeuses, Stéphane stoppe tout et réunit tout le monde au centre du terrain, coachs compris. « Les libérations c’est la base de notre jeu ! Je veux bien entendre que le terrain est dur (les températures négatives sont en train de transformer la pelouse du terrain annexe du RCR en dalle de béton) mais tant que vous n’aurez pas la volonté d’avancer ça ne fonctionnera pas ! On va s’y mettre 5 minutes ? » Seb, rajoute une couche sur les sorties de camp et l’occupation, avant que Lucas ne termine le boulot par quelques ajustements techniques… Trop long pour son père qui tente de clore la discussion « Faut avancer mon Lulu, il reste 5 minutes ! » … Elles dureront 15 !! De quoi faire sourire Lucas et Seb en bord de touche en attendant le coup de sifflet final de Stéphane « Il nous fout encore le timing en l’air, le vieux ! »

La passion déborde et a bien du mal à tenir dans le cadre d’une horloge. « Je suis passionné cela fait 10 ans que j’entraine ici » concède le papa de Lucas qui a fait monter le RC Riomois jusqu’à la Fédérale 2 où évoluent actuellement ses joueurs. Le rugby prend beaucoup de place dans la famille et on imagine déjà les repas du dimanche. « Ah non » interrompt Lucas, « on ne parle jamais ou rarement de Rugby dans les repas de famille. Et quand on parle Rugby avec papa, on va dire que c’est 60 % Riom / 40 % ASM. » Stéphane acquiesce, « c’est vrai que lorsqu’il nous arrive de parler rugby en dehors des entraînements, c’est plus souvent autour de Riom. On échange sur les interrogations ou les idées que nous pouvons avoir pour l’équipe. A l’ASM, j’ai le regard d’un papa avec son fils : pas forcément technique, plus sur son ressenti. » Entre Baptiste, Lucas et Stéphane, le RC Riom a tissé un lien supplémentaire venant renforcer la complicité et la cohésion de la famille. Lucas y trouve son équilibre. Cette semaine dès mercredi soir, il a basculé totalement du côté du Rugby Club Riomois pour préparer le derby du week-end, au stade Émile-Pons, face à Vichy. Le vainqueur fera un grand pas vers le maintien en Fédérale 2. Lulu fera tout pour que son équipe soit au rendez-vous avant de profiter d’un bon moment à la maison du Rugby… avec ses copains et en famille.