L’arrière de l’ASM Romagnat Jessy Trémoulière disputera samedi prochain à Twickenham devant plus de 50 000 personnes (record absolu pour un match de rugby féminin) sa 78ème et dernière rencontre avec le XV France. Un merveilleux écrin pour un jubilé à la hauteur de la carrière de l’emblématique joueuse auvergnate qui a été fêtée, dimanche à Grenoble, après une nouvelle prestation haut de gamme lors de son dernier match à domicile en Bleu. Remise de ses émotions et désormais focalisée sur son dernier Crunch qui pourrait lui offrir le 3ème Grand Chelem de sa fabuleuse carrière (après 2014 et 2018) elle nous raconte sa dernière semaine en Bleu.

 
 

Jessy, comment as-tu vécu ton dernier match à domicile avec le XV de France devant plus de 18 000 personnes ?

C’était magique un vrai week-end de dingue ! Un moment qui restera, à jamais, gravé dans ma mémoire. Nous réalisons plutôt un bon match notamment en première période. J’ai pris beaucoup de plaisir sur le terrain… et à la fin les filles ont été exceptionnelles. Je ne m’y attendais pas du tout. Le maillot, les attentions de la fédération, la joie et le partage avec les filles…c’était fou du début à la fin. Encore un souvenir à Grenoble qui va être inoubliable.

 

Un stade où tu en avais déjà quelques-uns …

Oui, je suis contente de finir au stade des Alpes. Dans ma carrière, dans tous les stades où j’ai eu la chance de jouer, c’est celui qui m’aura le plus marqué par la ferveur du public et aussi les émotions que j’ai pu y vivre. Nous avons battu deux fois les Anglaises à Grenoble en 2014 et 2018 (NDLR : les deux derniers Grand-Chelems des Bleues). Pour mon dernier match en Bleu à domicile, il n’y avait pas de meilleur endroit. 
Avant le match de dimanche, j’ai eu l’honneur de faire la remise des maillots et je disais aux filles que ce stade était fabuleux, que je me souvenais encore du son de l’explosion du public lors de mon essai face aux Anglaises en 2018 (NDLR : inscrit à la toute dernière minute qui avait permis aux Françaises de passer devant et de gagner le Grand Chelem) … que nous avions de la chance et qu’il fallait en profiter.

 

Après une Coupe du monde frustrante, j’imagine tout le bonheur que ce match a représenté ? 
Je n’ai pas l’habitude de revenir en arrière. Il s’est passé en Nouvelle-Zélande ce qu’il s’est passé, l’essentiel est de finir sur une bonne note. Je suis très heureuse de la manière dont ce Tournoi s’est déroulé. Ce que j’ai vécu ces derniers jours restera à vie dans mes souvenirs. La page de la Coupe du Monde est tournée. Je suis dans le présent, heureuse de ce que je vis et j’ai vraiment à cœur de bien finir avec les copines.

 

Étais-tu préparée à ce flot d’émotions et aux nombreux messages que tu as reçus ?

Mais pas du tout ! 15 secondes avant l’entrée sur la pelouse, j’étais positionnée à ma place 10ème (NDLR : en fonction des numéros) et les filles me disent « passe devant ». Je n’ai pas vraiment eu le temps de réagir et je suis sortie la première, pareil après le match je n’avais rien anticipé. Je me suis un peu laissé porter sur l’après match par tout ce qui se passait autour de moi et ce flot de messages que j’ai reçu. Je n’ai eu que des messages bienveillants que des choses gentilles et touchantes… Franchement, cela fait chaud au cœur car c’est l’image que j’ai toujours essayé de véhiculer durant ma carrière. J’ai toujours eu à cœur de valoriser et de mettre en avant le rugby féminin. C’était vraiment important pour moi de ne voir que du positif. J’ai même eu des messages de joueuses anglaises contre qui j’ai joué qui ont rendu hommage à ma carrière, c’est beaucoup d’honneur. C’était un week-end vraiment très chargé en émotions…

 

Cette émotion est-elle retombée au moment de préparer le dernier match du Tournoi ? 
Je me suis dit qu’il fallait évacuer au plus vite le surplus d’émotions pour basculer sur le match d’après dans les meilleures conditions, alors, très vite, j’ai lu tous les messages que j’ai reçus, j’ai répondu. Je n’avais pas vraiment envie de sortir de cette euphorie et de ce super moment. Je ne voulais pas que ça s’arrête mais je savais qu’il fallait le faire pour se projeter sur la préparation des Anglaises.

 

Après 4 victoires en autant de matches, vous êtes là où vous vouliez être au moment de préparer cette finale ?
Nous avons commencé ce Tournoi avec un groupe nouveau avec de jeunes joueuses et aussi le retour de quelques anciennes. Nous avions besoin de quelques matches pour monter en puissance voir de quoi nous étions capables et ce que nous voulions mettre en place. Tout s’est fait crescendo. Entre le premier match face à l’Italie et la première mi-temps face au Pays de Galles, on peut se rendre compte du travail et de la progression. Je crois que cela faisait très longtemps que nous n’avions plus marqué d’essais en première main et que nous n’avions pas posé nos structures de jeu avec autant d’autorité et de maîtrise. Même si on n’arrive pas à garder le rythme et la constance sur la deuxième période, il y a de belles choses et de la confiance. C’est peut être mieux d’être confrontées ce trou d’air face aux Galloises à ce moment-là du Tournoi avant de jouer les Anglaises contre qui rien ne sera permis. Nous savons où nous voulons aller et ce que nous devons faire pour y arriver.

Nous n’avons rien à perdre, toute la pression sera sur leurs épaules avec 50 000 personnes dans les tribunes. 

Jessy Trémoulière
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Les Anglaises sont sur une série de 11 victoires consécutives face aux Françaises… Cela se joue souvent à peu, ce fut le cas lors de la dernière Coupe du Monde (7-13), qu’est ce qui peut faire exploser ce plafond de verre ?
L’état d’esprit d’abord. Nous devons être sûres de nous, de notre jeu. Nous n’avons rien à perdre, toute la pression sera sur leurs épaules avec 50 000 personnes dans les tribunes. C’est un contexte qu’elles vont devoir gérer. Nous arrivons vraiment en outsiders, sans pression. Nous devons simplement être concentrées et totalement engagées dans ce grand match de rugby qui nous attend avec du combat de l’agressivité. On veut jouer ce match pour n’avoir aucun regret : tout donner … on verra le résultat à la fin. Nous sommes en reconstruction avec un nouveau staff, des joueuses qui découvrent le Tournoi ou le redécouvrent… l’objectif principal est pour plus tard. Nous n’aurons pas de pression samedi.

 

Terminer sa carrière en Bleu à Twickenham devant 50 000 personnes, c’est le plus beau jubilé possible… est-ce que tu y penses ou tu préfères reporter les émotions à plus tard ?
Pour l’instant, je n’y pense pas du tout. Ce n’est pas que je fais abstraction mais plutôt que je fais les choses les unes après les autres. Je n’ai pas envie de me rajouter une pression supplémentaire en pensant à l’après. Pour moi, le match c’est : se retrouver avec les copines, prendre du plaisir sur le terrain, bien jouer et donner tout ce que je peux pour ce maillot. Au coup de sifflet final, il sera temps de penser aux émotions. Un peu comme ce week-end finalement où j’ai pu profiter pleinement du terrain et aussi de tous les à-côtés sans que les deux domaines n’interfèrent. Je n’ai pas envie de me laisser perturber avant cette rencontre et de passer à travers. J’aurais le temps de penser à tout cela plus tard quand ce sera vraiment fini. Là, il me reste un grand match à jouer, et j’ai bien envie de profiter de chaque moment.

  

Crédit Photo : Julien Poupart / France Rugby