Les Townships sont les quartiers défavorisés de l’Afrique du Sud, créés sous l’Apartheid pour parquer la main d’œuvre et séparer les populations noires et métisses des blanches. Plus de 20 ans après la chute du régime de ségrégation (officiellement terminé en 1991), ces quartiers demeurent des lieux de pauvreté où le chômage et la criminalité sont trés élevés. De nombreuses fondations développent des programmes d’insertion où le rugby à un rôle fondamental de cohésion social. Barry nous fait découvrir la sienne. Reportage…

 

Khayelitsha est la première chose que les nombreux touristes venant profiter des plaisirs de Cape Town traversent, parfois sans le voir ou en détournant le regard, en sortant de l’aéroport. « Khay » comme le surnomme les locaux est le plus grand Township du Cap. 220 000 habitants y vivent ou survivent avec environ un millier de Rands par mois (55€). Sur des kilomètres, de Langa (le plus ancien quartier) en direction de la ville dans l’axe de la célèbre Table-Mountain, les logements de fortune emboités les uns dans les autres par des planches de tôle et de bois que l’air marin venant de l’Atlantique semble pouvoir balayer en un souffle, se comptent à l’infini. Dans le règne de la débrouille, des métiers précaires et de la criminalité, le Rugby s’est frayé un chemin. Des associations comme celle de Bary Clarke (Manager General de la JAG Foundation) œuvrent pour tendre la main aux enfants des quartiers. « La fondation JAG utilise des programmes sportifs et ludiques pour offrir aux jeunes de ces communautés un mode de vie alternatif. Avant le lockdown COVID, nous jouions plus de 400 matches de Rugby à 7 entre nos propres équipes JAG ». Considéré comme un symbole de l’unité nationale en Afrique du Sud, le Rugby est très pratiqué dans les Townships grâce au travail des associations (les Stormers comme tous les clubs sud-africains ont la leur). Les enfants, dès leur plus jeune âge, envahissent les terrains entretenus par la ville et pratiquent pieds nus notre sport où la notion de partage prend tout son sens. Sur le pré où l’herbe est un concept, où la terre battue, les joueurs des différentes ethnies et de (presque) tous milieux se mélangent. La nation arc-en-ciel bouillonne là où la richesse se compte en sourires d’enfant. Celui-ci est sur toutes les lèvres et qu’importe si dès la fin de la séance (3 ou 4 fois par semaine), la misère et la dureté d’une vie que personne ne mérite reprend son chemin, celui-ci revient lorsque le ballon ovale vole à nouveau de mains en mains.

Le rugby crée des amitiés et aide à développer l’avenir des enfants ! 

Coach Mzi

Sur les terrains de Khayelitsha où les mamans couvent du regard leurs enfants, les barrières tombent progressivement. Les différentes ethnies représentées dans les quartiers jouent ensemble plus que ne s’affrontent. Le sentiment d’appartenance et de fierté de ces communautés n’est pas en opposition de quoi que ce soit sur le terrain, un premier pas vers le « vivre ensemble » lorsque les éducateurs sifflent la fin de la partie. « C’est tout le but de notre travail » confirme Mzi, le coach du programme de JAG. « Ici, le rugby crée des amitiés et aide à développer l’avenir des enfants. » C’est aussi un moyen de lutter contre la violence et la criminalité ultra-présentes dans les Townships à travers le modèle positif que constitue, le coach, les clubs, où les enfants qui utilisent le tremplin de la balle ovale vers un monde meilleur. Pour tous ces jeunes, les camps d’entrainement dans les quartiers défavorisés développent leur discipline, leur travail d’équipe et leur confiance en soi, pour certains c’est une véritable alternative à la vie dans la rue. C’est le cas d’Ayanda, une jeune fille de Khayelitsha que la JAG Fondation est en train de sortir de la misère. Petite elle voyait les avions passer au-dessus de son quartier faisant trembler les murs de son abri. Aujourd’hui, elle a intégré un programme pour les piloter après avoir trouvé son équilibre sur les terrains de Rugby des Townships. Ayanda est un exemple comme il en existe tant dans les quartiers. Siya Kolisi, le capitaine et troisième des Springboks, en est un autre. Enfant de Zwide, le Township du nord de Port-Elizabeth, il est le meilleur exemple des programmes de Rugby visant à la cohésion sociale du pays. Élevé par sa grand-mère dans la misère de Zwide pendant que ses parents tentaient de survivre dans les chaines de montage des constructeurs automobiles qui font vivre la ville à l’extrémité méridionale du pays, Siya Kolisi est aujourd’hui un symbole de l’Afrique-du-Sud.

 

Inspirant pour beaucoup d’enfants des Township, le parcours de Siya Kolisi ou Ayanda est un rêve, la preuve que tout est possible. Une traversée de Khayelitsha montre aussi que pour atteindre ce possible, le travail reste immense. Les déchets qui jonchent le sol à chaque coin de rue, la tristesse sur le visage des habitants assis devant les tôles et ce sentiment d’impuissance sont là pour le rappeler. Même si le Rugby joue un rôle important dans l’intégration sociale des habitants de Townships, la disparition de la discrimination raciale et l’égalité des chances auxquelles Madiba, le père de la nation arc-en-ciel, a consacré sa vie est encore loin d’être une réalité. Il faudra du temps…